Guidance/réflexion sur la position du « sauveur »

(Novembre 2022)

Que pensez-vous de la position ou du rôle du « sauveur » ?

Le « sauveur » est celui qui se sauve en premier avant de sauver les autres. Cette recherche constante de satisfaire le besoin d’autrui, d’apporter une aide, même si celle-ci n’est pas demandée est l’activation chez le « sauveur » d’un processus de recherche d’amour. C’est la raison pour laquelle nous disons que le « sauveur » entre dans ce processus à chaque fois qu’il se sent menacé par un manque d’amour, de reconnaissance envers lui-même. C’est une forme de dépendance qui n’est pas reconnue comme telle mais qui en est une, sous une forme plus profonde, plus subtile, plus cachée.

Le « sauveur » n’a pas conscience de ce rôle qu’il joue. Le « sauveur » se pose en personne pleinement responsable, en personne sans l’intervention de laquelle « l’autre » serait en difficulté, il détient alors à ce moment-là une certaine autorité, un certain pouvoir. Cependant le « sauveur » peut alors devenir « persécuteur » dans le sens où il se nourrit de ses « sauvetages », il en a besoin pour vivre, et il finit par s’accrocher à ses proies pour obtenir ce dont il a besoin, pour se sentir empli d’amour.

Vous comprenez que l’Amour n’est pas cela, l’Amour c’est avant tout se relier à sa liberté d’être, l’Amour ne peut avoir besoin de se nourrir car l’Amour et un principe universel. L’Amour ne peut venir de l’extérieur car il est à l’intérieur de chacun d’entre vous avant d’être redonné à l’extérieur. Tous les « sauveurs » et il y en a beaucoup, d’une manière plus ou moins repérable, sont des personnes qui n’ont pas trouvé l’espace d’Amour en elles et qui vont donc le chercher chez l’autre. Le besoin de « sauver » devient alors parfois tellement vital chez ces personnes qu’elles arrivent à créer chez l’autre des besoins qui sont imposés par elles-mêmes et non par la personne qu’ils veulent sauver. Ils deviennent alors des « persécuteurs ».    

Ce cycle, dans lequel un « sauveur » est enfermé est : « sauveur/persécuteur/victime ». Le rôle de « victime » apparaît lorsque le « persécuteur » ne trouve plus personne à sauver. Il perd sa consistance de guerrier et bascule dans la victimisation. La différence entre la « victime » et le « sauveur » est minime. C’est juste une question de positionnement face à l’autre et le basculement de « victime » en « sauveur » ou de « sauveur « en « victime » est très souvent observé. La « victime » attire l’attention sur elle car elle a besoin de cela pour exister, le « sauveur » attire l’attention sur lui car il a besoin de cela pour exister. La dépendance est le point commun de ces deux positions qui, en fait, ne sont qu’une position, le manque d’amour et ce manque d’amour se traduit par la mise en place de ces deux polarités. La troisième notion qui entre en jeu ensuite est la notion de « persécuteur », mais ceci reste la conséquence des deux polarités de « sauveur » et de « victime ». Si la « victime » ou le « sauveur » n’obtient pas ce dont il a besoin, il va chercher à provoquer ce besoin chez l’autre afin de s’en nourrir et il devient « persécuteur ».

Il y a une grande subtilité dans la notion du « donner » car il est important de regarder d’où ce don provient. Il est dit dans la tradition ésotérique que le « donner/recevoir » fonctionnent ensemble et que si on donne on reçoit. Cependant on constate que lorsque le don provient d’un manque, il n’y a pas de réception car le comportement n’est pas juste et donc la loi de l’Univers ne peut s’appliquer. Ceci est une très bonne piste de réflexion pour identifier en soi la position du « sauveur ». Le « don » sans attente, pur est relié à la compassion et provient du cœur. Le « don » relié au besoin de remplir un espace vide en soi, de se nourrir de quelque chose, provient du manque. Là où se situe la grande différence est d’avoir le courage de regarder d’où provient l’action de « donner ». Être « sauveur » c’est se donner une consistance pour exister, remplir un vide. Abandonner le comportement de « sauveur » c’est accepter de perdre cette consistance factice, sa raison d’exister dans une dépendance et s’en remettre totalement à soi.

Le rôle du « sauveur » est un masque de protection qui est mis en place pour pouvoir vivre avec une blessure d’amour, qu’elle soit l’abandon ou le rejet, on existe donc à travers ce rôle. Cependant le rôle du « sauveur » n’est pas toujours détectable en premier, les rôles de la « victime « ou du « persécuteur » sont plus faciles à identifier, d’autant que le « sauveur » recherche très souvent d’autres « sauveurs » pour se confirmer que son rôle est justifié.    

En quoi le rôle de « sauveur » est contraire au chemin d’évolution ?    

Lorsqu’un « sauveur » se met en action, il intervient donc à la place de l’autre. Cependant si la personne « sauvée » se trouve dans une situation qui peut l’amener à comprendre quelque chose sur elle et que le « sauveur » intervient à sa place, il lui empêche cette compréhension et il la prive de l’évolution qu’elle aurait pu avoir sur cet éclairage donné par la situation en question.

Sauver l’autre dans ce cas n’apporte absolument rien à la personne qui est sauvée, si ce n’est de la maintenir dans une zone de confort dont elle devra sortir un jour pour son évolution. Nous pouvons bien sûr aider une personne si cette personne nous le demande et uniquement si elle nous le demande. La culpabilité qui peut être ressentie lorsqu’on n’entre pas dans le rôle du « sauveur », n’est qu’une pure illusion, car dans ce contexte, en laissant l’autre expérimenter et tirer une leçon d’une situation, nous l’aidons, au contraire, à grandir.   

Le terme de « sauveur » ou « rédempteur » est très ancré dans la tradition judéo-chrétienne. Ce terme a été détourné de son sens original pour une raison de pouvoir, d’intérêt et de profit. Jésus a prononcé ces paroles sur la croix :

  • Père, pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font
  • Père je remets mon esprit entre tes mains

 

Ces paroles fortes de symbolisme, voulaient nous faire comprendre que la rédemption ne venait pas de Jésus en lui-même mais de l’exemple qu’il donnait. En mourant à sa personnalité humaine, il pouvait s’élever à son être divin. Jésus n’a jamais demandé à ce qu’une religion soit élevée en son nom. Cependant quoi de plus fructueux que de faire de cet homme l’icône du « sauveur » et de transférer ce rôle dans une puissance politico-économique et religieuse.

La direction nous était pourtant donnée : nous sommes nous-mêmes ceux qui pouvons nous sauver afin d’obtenir le salut de notre âme.  L’être humain cependant se réveille, il commence à entendre, à sortir de ces conditionnements qui n’étaient là que pour l’empêcher d’évoluer. Pouvoir sortir de ces conditionnements liés à la culpabilité de « ne pas faire » c’est devenir libre, c’est sortir soi-même du rôle de « sauveur » et ainsi permettre aux autres d’en sortir, sans aucune action requise, juste par une attitude rectifiée en soi, le symbole de la croix.

  •   Je te le dis, en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis…

Ceci veut dire : en trouvant ta rectitude, tu retrouveras ta place en tant qu’être divin incarné dans la matière. La division n’existe plus, le manque n’existe plus, l’Unité est là.